Quand vient le temps d’examiner les dommages aux infrastructures en milieu urbain, les arbres ont souvent le dos large! Comme consultants en foresterie urbaine, nous recevons fréquemment des questions de nos clients sur la possibilité que les racines d’arbres puissent :

  • Fissurer les fondations de bâtiments;
  • Affaisser les bâtiments en sol argileux;
  • Briser les canalisations d’entrées d’eau;
  • Boucher les drains français et autres conduits sous-terrain;
  • Briser toute autre structure rigide posée au sol.

Mais qu’en est-il vraiment? Certaines de ces affirmations sont fausses, certaines ont un fond de vérité et d’autres sont bien réelles, mais les choses ne sont généralement pas noires ou blanches, mais plutôt nuancées.

 

Les racines destructrices

Sachez, avant toute chose, que les racines cherchent l’eau et ne briseront pas de structure par leur seule présence. Un arbre près d’un bâtiment ne causera pas nécessairement de dommage au bâtiment, à moins que le tronc ou le collet soit très près du bâtiment (au point d’y toucher physiquement). Un arbre à grand déploiement comme l’érable, le chêne ou toute autre espèce de grande dimension et dont le tronc est à 3 mètres d’une fondation de bâtiment peut très bien vivre sa vie sans endommager la structure du bâtiment. Il y a 3 facteurs principaux à considérer lorsqu’on évalue le risque de dommage à un bâtiment par un arbre :

  1. La distance entre le tronc et la structure, à savoir si le tronc ou les branches de l’arbre ont suffisamment d’espace pour croître librement (voir photo de nuisance ci-contre);

    Peuplier deltoïde en conflit avec un bâtiment accessoire (Crédit : Trame-Verte)

  2. L’espèce et les dimensions de l’arbre, certaines espèces étant reconnues avec un système racinaire plus invasif, ce qui augmente le risque de dommages lorsque l’arbre arrive à maturité. Souvent ces espèces à grand déploiement sont interdites de plantation par les municipalités, par exemple : les saules, peupliers, érables argentés, etc.;
  3. L’état de la structure qu’on souhaite préserver. En effet, le retrait d’un arbre situé à proximité d’une vieille structure ne va pas nécessairement éliminer les risques liés à l’usure de cette structure. À titre d’exemple, la perte d’efficacité d’un vieux drain français est souvent liée à l’infiltration de terre et autres substrats dans le drain. Arrivés à leur durée de vie utile, les interstices du drain français remplis de terre et d’eau offrent une opportunité de croissance aux racines, d’où le mythe que ce sont les racines qui causeraient la problématique. À un autre niveau, une construction peut montrer des fissures et autres signes de mouvement de sol, mais l’arbre à proximité peut n’y être pour rien lorsque des défauts de construction ou des sols à faible portance sont présents. Croyez-nous, c’est plus fréquent qu’on peut le penser!

Ces critères sont aussi vrais pour les tuyaux enfouis qui, s’ils sont aussi étanches que prévu, ne seront pas prospectés par les racines. Une entrée d’eau qui fuit est un problème à régler en soi, les racines qui peuvent s’y retrouver ne sont arrivées là qu’une fois la fuite apparue.

Sachez également que dans tous les sols, mais particulièrement les sols argileux, la grande majorité des racines des arbres se retrouvent dans les premiers 30 cm de sol, faute d’oxygène dans les couches plus profondes de sol (voir photo ci-contre). Cette caractéristique des systèmes racinaires, généralement ignorée des gens et des professionnels de tout horizon, permet de mieux comprendre les réels impacts que peuvent générer les arbres sur les infrastructures souterraines.

Profil de sol (Crédit: Trame-Verte)

 

Les racines, causes d’affaissement de l’argile

Le phénomène de l’affaissement des sols argileux ne date pas d’hier et s’avère bel et bien réel dans la région des basses terres du Saint-Laurent, bien qu’il y ait souvent plus de peur que de mal. Le phénomène réside dans le fait que le développement urbain, en dirigeant l’eau vers les canalisations et en augmentant la quantité de surfaces imperméables (rue, trottoir, stationnement) a considérablement réduit la quantité d’eau absorbée par les sols, les rendant vulnérables lors de périodes de sécheresse. Les arbres ne sont donc pas responsables de l’affaissement en soi, puisque l’affaissement est possible sans la présence d’arbre, mais ils peuvent parfois contribuer à accentuer le phénomène. Cependant, on parle ici seulement d’arbres matures dont le système racinaire est très développé.

Généralement, les problèmes d’affaissement des sols argileux sont circonscrits à certains secteurs et ces derniers sont généralement déjà connus des résidents et professionnels du milieu. Sur sols argileux sensibles, la meilleure prévention demeure de planifier un arrosage régulier du parterre. L’arrosage permettra de stabiliser les réserves d’eau du site, et ce, peu importe la présence, les dimensions ou la distance d’un arbre par rapport au bâtiment. L’internet regorge d’information sur le sujet, mais assurez-vous de consulter des sources fiables, comme. la publication exhaustive de la société canadienne d’hypothèque et de logement sur le sujet : Comprendre l’interaction des arbres, du sol d’argile sensible et des fondations et agir en conséquence. 

En résumé, les arbres sont rarement à l’avant-scène des cas de dommage aux structures et avant d’accuser un arbre dans ces situations, il est préférable de faire enquête sur les structures elles-mêmes et les conditions environnantes. Bien entendu, il n’y a rien comme l’avis d’un expert des arbres pour bien cerner la présence de conflits entre les arbres et les structures environnantes!